Environnement : quels enjeux pour la filière textile ?
Sandra, avant de creuser le sujet, rappelez-nous votre background et votre activité ?
J’ai évolué pendant 10 ans dans les services achats de marques et d’enseignes de Mode sur des postes de chef de produits/acheteuse, chef de marché, directrice de collection. J’ai lancé mon activité de conseil en 2007 pour très rapidement me réorienter sur les questions de développement durable dans la Mode. Par sensibilité personnelle mais également convaincue que notre industrie devait évoluer dans son fonctionnement. Aujourd’hui, j’accompagne les entreprises du secteur dans la mise en place de stratégies plus durables.
En quoi la stratégie RSE des entreprises est-elle une nouvelle grille de lecture de leur activité ?
C’est un nouveau paramètre, de plus en plus important pour les parties prenantes de l’entreprise que sont ses collaborateurs, ses clients, les banques, les actionnaires etc. … qui attendent d’elles qu’elles minimisent leurs impacts environnementaux et sociaux. Cela va changer la façon qu’elles ont de gérer et développer leur activité avec de nouveaux critères de décision à tous les niveaux de l’entreprise.
Quelles sont les grandes tendances en matière de production responsable dans les vêtements de sport ?
Je dirais qu’il n’y a pas de tendance spécifique au sport, mais que d’une manière générale dans le textile-habillement, les marques cherchent toutes à développer des collections à moindre impact environnemental. Cela passe beaucoup par les matières, dans le sport des matières synthétiques recyclées par exemple, ou par des productions plus proches. Certaines marques de sport, en avance sur le sujet, travaillent beaucoup sur la recyclabilité et la circularité de leurs vêtements et chaussures : faire en sorte qu’en fin de vie, le produit n’aura pas d’impact négatif, soit parce que ses différents composants pourront être réutilisés pour refabriquer des vêtements, des chaussures, ou tout autre chose ; soit parce que le produit aura été conçu de telle manière qu’il sera totalement biodégradable et non nocif pour la planète.
Comment l’industrie textile peut-elle moins polluer ?
Cela commence par faire attention à la manière dont nous concevons et produisons nos collections : bien choisir les matières, les modes de production, les partenaires fabricants : tous ces maillons de la chaîne sont des leviers sur lesquels agir. Mais celui qui aura le plus d’impact, c’est de produire moins… Chaque année, nous mettons sur le marché des quantités de vêtements toujours plus importantes avec des répercussions environnementales (mais également sociales) énormes. C’est un sujet compliqué à faire passer auprès des entreprises mais elles doivent toutes à mon sens, mener cette réflexion stratégique plus long terme : comment se développer en produisant moins mais en proposant autre chose à ses clients. Il n’y a pas une réponse unique mais des réponses propres à chaque entreprise et cela va amener à une transformation importante de nos métiers dans les années à venir.
Quels bénéfices pour l’environnement une production en Europe apporte-t-elle ? Au Portugal ?
Produire plus proche peut contribuer à limiter les émissions de CO2 liées au transport des marchandises. L’idéal serait de livrer par rail, moins polluant que le routier mais en comparaison à des livraisons par avion en grand import, le transport par camion depuis le Portugal reste beaucoup moins impactant. Il faut aussi regarder l’ensemble de la chaîne (d’où viennent les matières, où sont faites les étapes intermédiaires ?) et veiller à relocaliser un maximum d’étapes lorsque c’est possible.
Il y a beaucoup de projets développés au titre de la « compensation volontaire » pour atteindre une empreinte carbone nulle, voire positive. Comment y voir clair ? Les labels sont-ils fiables ?
Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut savoir que pour atteindre les objectifs ambitieux de l’accord de Paris (limiter le réchauffement climatique à 2° au-dessous des températures pré industrielles à horizon 2100), il va falloir réduire drastiquement nos émissions de gaz à effets de serre et atteindre la neutralité carbone d’ici la fin du siècle. La compensation est un outil pour y parvenir mais attention, il faut veiller à d’abord éviter et réduire ses émissions pour ensuite compenser ses émissions résiduelles ! Il y a beaucoup de projets de compensation volontaire et comme il n’y a pas de cadre règlementaire, certains peuvent être questionnés. C’est pourquoi choisir un label peut apporter des garanties (traçabilité, réductions réelles, mesurables, vérifiables …). Je pense par exemple au Label Bas Carbone pour les projets en France ou aux crédits MDP et MOC à l’international (les deux mécanismes de compensation certifiés du Protocole de Kyoto) qu’il est possible de se procurer en tant qu’utilisateur volontaire de la compensation.
Aerth a pour objectif de compenser totalement son émission carbone, quels conseils pouvez-vous nous donner ?
Pour rebondir sur la question précédente, il est important de bien vérifier les exigences des standards avant de les acheter. Ensuite, il est à mon sens pertinent d’opter pour des projets qui font sens avec les valeurs de l’entreprise et ses principaux enjeux, ses principales problématiques environnementales. Ce sont les questions à se poser en amont pour sélectionner les projets de compensation volontaire.
La première responsabilité n’est-elle pas d’avoir une communication responsable et transparente plutôt que de prétendre être irréprochable et de « sur-marketer » chaque initiative ?
Oui, clairement, et il y a un peu cette tendance dans le secteur aujourd’hui malheureusement. Il est important en effet de communiquer de manière responsable et transparente. Au-delà d’expliquer ses engagements, il faut pouvoir dire où on en est, les difficultés qu’on rencontre, pourquoi tout n’est pas parfait, les choix qu’on a dû faire… Les consommateurs n’attendent pas des marques qu’elles soient parfaites, mais qu’elles s’expriment de manière sincère sur ces sujets. Ils veulent aussi des preuves et sur ce point, les marques apportent peu d’éléments je trouve. Dernier point important, il faut veiller dans sa communication à éviter toute confusion pour le public. Je pense notamment à la compensation volontaire, ne pas laisser croire aux consommateurs que l’entreprise ou le produit n’a pas d’impact carbone. C’est un point de vigilance important et il faut donc être très clair car les retours de bâtons peuvent être rapides et dommageables pour l’image de la marque.